La procédure destinée à traduire devant des tribunaux militaires les personnes arrêtées dans le cadre de la guerre américaine contre le terrorisme vient d'être déclenchée par le président américain.
Le président George W. Bush a désigné six détenus suspectés d'être impliqués dans le terrorisme, comme ayant droit à être jugés par des tribunaux militaires, annonce "The New York Times". Bush vient ainsi de déclencher la procédure mise en place par décret en novembre 2001, dans la foulée des attentats du 11 septembre, et qui autorise à nouveau la tenue de procès par des commissions militaires. Le dernier recours à ce genre de tribunal aux Etats-Unis remonte à plus de cinquante ans, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, quand il a fallu juger des militaires japonais et allemands responsables de crimes de guerre, précise le quotidien.
Selon la procédure décrétée en 2001 et qui s'applique uniquement aux étrangers, il revient au président de désigner les personnes aptes à être jugées. Suite à quoi, le Pentagone décide lesquelles le seront effectivement et de quoi elles seront inculpées, explique le journal new-yorkais. Dans ce cas précis, c'est au secrétaire adjoint à la Défense Paul Wolfowitz qu'incombera la tâche de décider qui sera traduit devant cette juridiction. Il est également chargé de choisir les membres du tribunal.
Peine de mort à l'unanimité
Le ministère de la Défense, qui a annoncé la décision du président, a refusé de communiquer l'identité des six individus, tout comme leurs nationalités ou encore les chefs d'inculpation. Mais, compte tenu du fait que des citoyens américains ne peuvent pas être traduits devant ces tribunaux, les six personnes désignées par Bush sont probablement parmi les 680 détenus retenus à Guantánamo, sur l'île de Cuba. La majorité de ces prisonniers ont été arrêtés après la guerre en Afghanistan, note "The New York Times". Par ailleurs, les personnes choisies par le président doivent remplir au moins l'une des trois conditions suivantes : être membres du réseau terroriste Al Qaida, avoir commis ou aider à commettre un acte de terrorisme international, ou avoir donné asile à des membres d'Al Qaida ou à des individus impliqués dans le terrorisme.
Selon les instructions données au printemps 2003, les commissions militaires seront composées de trois à sept juges. Un accusé pourra être reconnu coupable sur la foi d'un vote des deux tiers des membres de la commission. Mais une condamnation à la peine de mort requiert un vote à l'unanimité d'une commission composée de sept membres.
Des prisonniers sans droits
Selon le "Los Angeles Times", cette procédure a été choisie car elle permet de garder au secret le déroulement des débats. L'accusé aura droit à un avocat militaire, il ne peut pas être jugé deux fois par une commission militaire pour le même chef d'accusation, il peut refuser de témoigner, il peut également négocier un accord pour réduire les charges retenues contre lui en échange de sa coopération. Par ailleurs, contrairement aux tribunaux civils américains qui offrent toute une panoplie de possibilités d'appels, les commissions militaires statuent une fois pour toutes et leurs sentences sont définitives une fois approuvées par le président ou par le secrétaire à la Défense, explique le "LA Times". La juridiction en vigueur aux Etats-Unis ne pouvant pas être appliquée sur la base de Guantánamo pour cause d'extraterritorialité, les prisonniers n'ont pas la possibilité de transférer leurs procès devant une cour fédérale.
Des associations d'avocats américains ont fortement critiqué cette procédure, rapporte de son côté le "Chicago Tribune". Chaque année, le ministère des Affaires étrangères établit un rapport dans lequel il critique les pays qui ont recours à des jugements par des tribunaux militaires et dont le déroulement est gardé au secret. Ce que nous entendons actuellement est dangereusement similaire, poursuit le quotidien, en citant un ancien président de l'Association nationale des avocats des affaires criminelles.
Toujours selon le "Chicago Tribune", un Australien, David Hicks, serait parmi les personnes aptes à être jugées. Pour sa part, "The New York Times" rappelle que 41 prisonniers de Guantánamo ont été transférés vers leurs pays d'origine où ils ont été relâchés, à l'exception de quelques-uns en Arabie Saoudite. On pourrait s'attendre à de nouvelles libérations ou à ce que le président désigne d'autres prisonniers aptes à être jugés par des commissions militaires, d'autant plus que plusieurs gouvernements étrangers et des défenseurs des droits de l'Homme ont dénoncé les conditions de détention appliquées par les Etats-Unis à Guantánamo et dans d'autres bases militaires américaines. Pour ces gouvernements, la durée de réclusion de leurs citoyens est devenue plus que suffisante pour déterminer s'ils représentent réellement une menace.
HSY
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Auteur :
C.I.
Coca-Cola et les nazis par Mark Pendergrast