NEW YORK, 6 sept (AFP)
Frictions entre concepteurs, intérêts financiers, émotion des citadins... la reconstruction du site du World Trade Center, d'abord annoncée comme un symbole de la pugnacité et de l'unité new-yorkaise face au terrorisme, se trouve confrontée à maints obstacles.
Deux ans après les attentats du 11 septembre, non seulement les travaux de reconstruction n'ont pas commencé, mais il reste encore à en fixer les plans.
Aux commandes du projet, trois personnages-clés, dont les intérêts respectifs se heurtent : l'architecte Daniel Libeskind, dont les propositions ont été sélectionnées pour la reconstruction, l'homme d'affaires Larry Silverstein, détenteur du bail du site, et l'ambitieux gouverneur de l'Etat de New York, le républicain George Pataki.
Par-dessus s'ajoute le très vif intérêt de l'opinion publique et en particulier des familles de victimes, invitées à s'exprimer sur la manière dont la mémoire des quelque 2.800 disparus devrait être honorée.
Daniel Libeskind le premier reconnaît ces inévitables divergences.
"Nous devons faire avec deux aspects apparemment irréconciliables", a-t-il admis mercredi lors d'une conférence de presse. "L'un est la reconnaissance de la dévastation du site et des héros, l'autre est la construction d'un New York tourné vers l'avenir, dans l'optimisme et dans la vie. Réunir ces deux choses, c'est de cela dont il s'agit ici."
L'opposition la plus vive met ainsi face à face la vision artistique de l'architecte et le souhait de Larry Silverstein de retrouver l'ensemble de l'espace de bureaux existant avant la destruction des tours jumelles.
"C'est le conflit classique de l'art face au commerce", commente Michaël Tomasky, enseignant à la Kennedy School of Government, de l'Université de Harvard.
"La position de Silverstein est compréhensible, du point de vue du businessman (...) mais il y a sur ce site d'autres priorités qui n'existent probablement nulle part ailleurs dans le monde", relève-t-il. "Quelque 3.000 personnes y sont mortes et il restera un lieu où New-Yorkais et Américains déferleront et s'attendront à être bouleversés".
Mécontents des retards pris, de hauts responsables locaux dont M. Pataki, ont réuni MM Libeskind et Silverstein en juillet pour une nuit entière de négociations destinées à aplanir les différences.
M. Pataki avait fait comprendre qu'il souhaitait voir la pose de la première pierre d'ici août 2004, juste à temps pour la tenue de la Convention républicaine dans la ville.
De cette réunion de juillet, il est ressorti que le propre architecte de M. Silverstein, David Childs, serait nommé "architecte concepteur" de la "tour de la Liberté" - pièce maîtresse des plans de Daniel Libeskind - tandis que ce dernier serait "l'architecte consultant" des différentes phases de conception.
Depuis lors, M. Libeskind préfère insister sur l'engagement des deux hommes à oeuvrer ensemble : "Ce ne sont pas les Nations Unies. On ne fonctionne pas avec des vetos. On travaille ensemble, sur des enjeux complexes, et on sait ce qu'ils impliquent".
Parmi les premières structures construites sur Ground Zero, figurera un mémorial aux victimes, qui renfermera quelque 12.000 restes humains n'ayant pu être identifiés en raison du mauvais état de leur ADN.
Un jury devrait dans les semaines à venir choisir un projet pour ce bâtiment, parmi les 5.200 soumis en juin.
Quels que soient les choix finaux, il semble qu'ils fassent de toute manière des mécontents.
Ainsi certains proches de disparus restent opposés à toute reconstruction, à l'exception d'un mémorial, estimant que ces 6,5 hectares de site sont sacrés.
Mercredi, une dizaine de personnes ont manifesté devant Ground Zero, pour tenter de bloquer entrées et sorties du chantier.
"Ce lieu est un mémorial. Il devrait être au centre du projet, et non le résultat d'une réflexion après-coup", selon Beverly Eckert qui a perdu son fils Sean Rooney dans les attentats
Auteur :
AFP
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