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Le Syndrome De La Guerre Du Golfe
28/01/2004

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Onze ans après la fin de l'opération "Tempête du désert", une information judiciaire a été ouverte afin d'étudier les diverses pathologies dont se plaignent certains soldats y ayant participé, et de déterminer leur lien éventuel avec des substances toxiques auxquelles ils auraient été exposés.
Plus de dix ans après la fin de la guerre du Golfe, la justice française va enfin s'intéresser aux pathologies dont souffrent certains soldats de l'opération "Tempête du désert". Le parquet de Paris a en effet ouvert, mi-juin, une information judiciaire pour "homicides et blessures involontaires", comme l'a indiqué Le Parisien dans son édition du 19 juillet. Le 14 juin, la juge parisienne Marie-Odile Bertella-Geffroy - qui a instruit l'affaire du sang contaminé et enquête sur le dossier de l'hormone de croissance - s'est vu confier le dossier.

L'ouverture de l'information judiciaire survient un an et demi après le dépôt, en janvier 2001, de plusieurs plaintes contre X... avec constitution de partie civile. Ce laps de temps, dit-on de sources judiciaires, s'explique par la difficulté de déterminer si les faits relevaient de la justice civile ou de la justice militaire.

TRIBUNAUX DES PENSIONS

L'essentiel des plaintes émane d'adhérents de l'Association des victimes militaires et civiles de la guerre du Golfe (Avigolfe). Sur les treize plaintes initialement déposées, douze ont été jugées recevables - dont deux pour des décès. La treizième plainte, concernant également une personne décédée, a été jugée prescrite.

Plusieurs victimes présumées ont d'ores et déjà été entendues par la magistrate mais les investigations devraient s'accélérer dans le cadre de la commission rogatoire confiée aux gendarmes de la section de recherches de Paris. Sauf difficultés, peu probables, liées au secret-défense, la juge devrait, dans un premier temps, saisir les dossiers médicaux des victimes. Parallèlement, les investigations des gendarmes vont s'appuyer, notamment, sur des expertises médicales individuelles et des enquêtes épidémiologiques qui devraient permettre d'en savoir plus sur les traitements prescrits aux militaires concernés, ainsi que sur leur suivi médical et les pathologies dont ils disent souffrir. Les symptômes vont de la simple fatigue aux troubles neuropsychiques, en passant par des problèmes de mémoire ou des douleurs musculaires et articulaires. Selon Avigolfe, qui trouve le terme "syndrome du Golfe" inapproprié étant donné la diversité des pathologies, 21 décès de vétérans seraient également imputables au conflit contre l'Irak.

L'enquête française devrait aussi s'inspirer des travaux menés à l'étranger, notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, touchés eux aussi par le phénomène. En France, des plaintes sont toujours pendantes devant d'autres juridictions. Ces dossiers devraient rejoindre ceux instruits à Paris.

Jusqu'à présent, les militaires concernés n'avaient pu utiliser qu'une seule voie de recours, celle des tribunaux des pensions, pour tenter de se voir attribuer une indemnisation. C'est le cas d'Hervé Desplat, ancien caporal dans l'artillerie et actuel président d'Avigolfe (Le Mondedu 7 juin 2000), dont l'action a lancé la polémique. Démobilisé en septembre 1991, le militaire souffre depuis décembre 1993 d'une "tuberculose pulmonaire très évolutive". Après cinq mois d'hospitalisation, il a saisi la commission de réforme de Périgueux (Dordogne) pour obtenir une pension d'invalidité. Pension refusée en février 1995 par le secrétariat d'Etat aux anciens combattants, qui invoque une "maladie non imputable ". Le militaire a alors attaqué l'Etat devant le tribunal des pensions de la Dordogne, qui l'a débouté en mars 1998. En juin 2000, la cour régionale des pensions de Bordeaux a été saisie à son tour, en appel. Deux ans après, la décision n'a toujours pas été rendue.

DIVISION DAGUET

Les autorités militaires françaises ont longtemps nié tout lien entre la présence de ses soldats sur le terrain des opérations et les pathologies dont ils souffrent. En juin 2000, elles affirmaient encore qu'aucun des 25 000 soldats de la division Daguet qui avaient pris part au conflit ne souffrait du syndrome du Golfe. A la même époque, Alain Richard, alors ministre de la défense, décidait pourtant de constituer un groupe d'experts militaires sur le sujet. Le ministre finissait même par annoncer le 12 septembre 2000 qu'il proposerait à l'Assemblée nationale la constitution d'une "mission d'information destinée à vérifier, en ayant accès aux documents des armées, si des militaires français ont pu être placés dans des situations génératrices de risques sanitaires durant les opérations du Golfe." Cette mission, créée le 2 octobre 2000, était présidée par Bernard Cazeneuve, député (PS) de la Manche. Parallèlement, le ministère de la défense et le ministère de la santé confiaient au professeur Roger Salamon, directeur de l'unité 330 de l'Inserm au CHU de Bordeaux, la présidence d'un groupe de travail scientifique sur les manifestations pathologiques inexpliquées dont pouvaient être victimes les anciens combattants du Golfe.

Devant la mission parlementaire, l'ancien commandant des forces françaises dans le Golfe, le général Michel Roquejeoffre, a révélé que 9 000 hommes de la division Daguet avaient régulièrement pris des comprimés de pyridostigmine (un antidote préventif contre des agents toxiques chimiques). Quelques mois auparavant, le service de santé des armées affirmait que ce traitement controversé n'avait été consommé que de "manière occasionnelle" par les militaires français.

Après sept mois d'auditions par les dix députés qui la composaient, la mission rendait son rapport le 15 mai 2001. Elle y formulait une série de recommandations pour améliorer la prise en charge des militaires ayant participé aux opérations du Golfe et souffrant de pathologies inexpliquées. Parmi ses propositions figurait notamment la possibilité de bilans de santé gratuits dans les structures médicales choisies par les intéressés et l'amélioration de l'information des soldats sur les risques radiologiques et chimiques des armes de nouvelle génération comme les munitions à uranium appauvri.

Comme avant elle le groupe d'experts scientifiques français, elle recommandait également le lancement d'une étude épidémiologique auprès des quelque 25 000 militaires français engagés dans la division Daguet. Cette étude, confiée à l'équipe du professeur Salamon, a débuté en octobre 2001 et se poursuit actuellement. Mais une fois de plus, c'est à la justice qu'il reviendra de trancher une polémique médicale.

Auteur :
Acacio Pereira

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