Organisation contre l'impérialisme américain.

Pakistan : Le Nouvel Impérialisme Des Etats Unis
18/02/2003

Illustration de l'article

Le gouvernement du Pakistan hésite à définir sa position face à la guerre des Etats-Unis contre Bagdad, et les journaux pakistanais expriment de diverses façons leur opposition à la politique de George W. Bush.

Alors que les Américains exercent de fortes pressions sur le Pakistan (actuellement membre non permanent du Conseil de sécurité de l'ONU) pour que le gouvernement, encore hésitant, les soutienne en cas d'attaque contre l'Irak, la presse pakistanaise, elle, a fait son choix : qu'elle soit en ourdou ou en anglais, elle s'oppose avec vigueur à une guerre contre l'Irak et dénonce sans ambages les intentions hégémoniques des Américains dans la région. Non pas que les journaux pakistanais nourrissent de sympathie particulière pour Saddam Hussein, dénoncé par "Dawn" comme un dictateur mégalomaniaque ou par "The News" comme un tyran.

Mais tous les journaux expriment leurs doutes à propos des véritables desseins étasuniens dans le Golfe. Ils s'accordent à y voir une guerre pour le contrôle du pétrole irakien. "A l'instar d'un drogué qui ferait tout pour trouver de l'héroïne, l'Amérique cherche à tout prix du pétrole à bon marché", commente ainsi le célèbre éditorialiste Ayaz Amir dans "Dawn". Qui ajoute : "Lors de la première guerre du Golfe, on disait du Koweït que, s'il avait fait pousser des carottes plutôt que du pétrole, sa détresse serait passée inaperçue. La situation de Saddam Hussein est aujourd'hui comparable. Si sa tyrannie était l'enjeu véritable, il y aurait une pléthore de choix dans le monde musulman. Si c'était les armes de destruction massive, Israël constituerait un bien meilleur candidat que l'Irak."

Le président le plus incompétent de mémoire vivante

Les journaux pakistanais s'inquiètent également de la suprématie américaine. "Dawn" regrette ainsi que "le monde aujourd'hui dominé par une seule puissance. Si l'on devait trouver un équivalent dans l'Histoire, il faudrait remonter à l'Empire romain. Même Napoléon et Hitler avaient des concurrents. Il n'y a rien aujourd'hui qui puisse intimider les Américains, sauf peut-être leurs propres phobies. Rien non plus pour freiner leur appétit de pouvoir, excepté leurs propres excès. La fin du totalitarisme aurait dû être une aubaine pour la liberté. Mais, à la place, il a donné lieu à une nouvelle forme d'impérialisme".

Dans "The News", un journaliste indépendant n'hésite pas à s'en prendre directement au président Bush. "C'est quand même suprêmement ironique de voir qu'en dépit des remarquables compétences du dictateur irakien en la matière, c'est du grand démocrate et libérateur américain que l'on se souviendra dans l'Histoire comme de l'homme fou. Et cette opinion n'est pas seulement partagée par les 'mollahs illuminés' ou par les 'détraqués' sur le déclin comme Kadhafi, mais également par un député travailliste australien, Mark Latham, qui a fustigé Bush, l'accusant d'être le 'président le plus incompétent et le plus dangereux de mémoire vivante'."

L'Amérique, reine des coups de bâton

La presse pakistanaise se préoccupe également du scénario "post-invasion". Un démantèlement précipité de l'Irak, prévient le "Herald", pourrait bien aboutir à la balkanisation du pays, scénario qui ne serait guère favorable aux intérêts américains. "Washington doit comprendre, commente le mensuel, que l'ennemi de mon ennemi n'est pas forcément mon ami, mais peut se révéler comme un autre ennemi, plus dangereux encore peut-être." Le mensuel s'inquiète aussi des effets néfastes de la crise sur les Nations unies. "L'unilatéralisme américain pourrait s'avérer désastreux pour l'ONU et faire connaître à cette organisation le même sort que la Société des Nations".

"Khabrain", lui, estime qu'il est temps pour les Etats-Unis "de reconnaître leurs erreurs" et "de se désengager". Mais le quotidien ourdou d'ajouter : "Rien n'indique dans leur attitude passée qu'un tel désengagement soit envisageable. Les Américains sont habitués à imposer leur politique par tous les moyens, qu'ils soient légaux ou non. L'Amérique ne reculera jamais et ne présentera pas ses excuses. Elle a toujours régi le monde à coups de bâton." Enfin, l'hebdomadaire "Akhbar-e-Jehan" s'interroge sur les implications de la crise actuelle pour le Pakistan, en particulier si celui-ci ne soutient pas les Américains. "Pour le moment les Américains font les yeux doux au président Musharraf, mais que se passera-t-il ?"

Source : Courrier International

Auteur :
Aminah Mohammad-Arif

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