Organisation contre l'impérialisme américain.

À Carrboro, on achète français !
07/04/2003

Aux Etats-Unis, un maire de Caroline-du-Nord contre le conflit.

Michael Nelson dit que cela ne pouvait plus durer. La quarantaine sympathique, en jeans et pull-over derrière son bureau, le maire de Carrboro, une petite ville de la Caroline-du-Nord, assure qu'il commençait à être de plus en plus troublé par cette rhétorique antifrançaise ridicule et inquiétante. Il y a quelques jours donc, alors que la francophobie galopante règne outre-Atlantique, Michael Nelson a fait un geste courageux. Il a adopté, avec son conseil municipal, une résolution qui fait du mois d'avril le mois du commerce avec la France. Oui, bien sûr, c'est un peu risqué par les temps qui courent, mais on l'assume pleinement. Votée le 11 mars à l'unanimité, la résolution souligne que le maire et le conseil encouragent les citoyens de Carrboro à acheter et à consommer des produits français, en reconnaissance des efforts du gouvernement et de l'opinion publique française à empêcher la guerre en Irak. Pour moi, le pire, c'est que George W. Bush encourage les propos hystériques que l'on voit dans les médias. C'est de la responsabilité des hommes politiques d'apaiser les tensions entre deux nations alliées, explique Michael Nelson.

Réputation libérale

Depuis, le maire est plutôt satisfait de dire que sa ville a très bien réagi. Située à une trentaine de km de Raleigh, la capitale de la Caroline-du-Nord, Carrboro a la réputation d'une ville très libérale (de gauche, au sens américain) dans un Sud largement conservateur. Avant sa résolution française, elle en avait adopté une contre la guerre. Ses 17 000 résidents sont composés en grande partie de la population estudiantine ou académique des universités voisines de Duke ou de University of North Carolina. Et dans le centre, des affiches jaunes proclamant No War sont placardées à chaque carrefour. Nous sommes considérés comme très progressistes, résume une passante, Jolene Schira. Le boycott des produits français décrété par certains est une honte. Chacun doit avoir le droit d'exprimer ses opinions sans que cela dégénère en logorrhée. C'est bien cela, la démocratie, non ? Malgré les encouragements, Michael Nelson admet qu'il a dû faire face à quelques signes extérieurs de colère. Un businessman local s'est ainsi présenté à la mairie, pour faire part de son mécontentement et a dû être évacué par la police. Depuis que la nouvelle est connue, des e-mails pour le moins indélicats parviennent aussi quotidiennement à la mairie de Carrboro. Vous me donnez envie de vomir, dit l'un d'entre eux. Je vais vous éviter comme si vous aviez le sida, renchérit un autre. La chambre de commerce, enfin, n'a pas tout à fait soutenu l'initiative et a fait parvenir une lettre au maire où elle regrette que le maire ne promeuve pas plutôt les produits locaux en ces temps économiques difficiles. Nous avons peur que les gens se mettent à boycotter Carborro, et ce serait malvenu, souligne Virginia Knapp, sa directrice des affaires extérieures.

Brie et reblochon

Au supermarché, Donald, le fromager, a décidé de mettre en valeur son brie et son reblochon made in France. Il montre aussi les bordeaux ou les cabernet sauvignon, en bonne place dans la vitrine: Comment peut-on prétendre tenir une fromagerie sans fromages français ? Moi je n'y arrive pas. Quand on lui demande son avis sur la guerre, il est prudent. C'est pour un journal américain ou français ? Bon, si vous êtes français, je peux vous dire que cette guerre n'est pas justifiée. Que Bush cherche à se faire plaisir et qu'il se prend pour le nouveau maître du monde..

Source : Libération

Auteur :
Fabrice Rousselot

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