La mort au coeur de la ville
Michael Moore, réalisateur américain de Roger et moi
et de The Big One
à écrit trois lettres après le 11 septembre et les attentats :
Chers amis, (12 - sept)
Je devais prendre aujourd'hui le vol d'American Airlines de 16h30 qui relie LAX à JFK. Mais ce soir, je suis coincé à Los Angeles, submergé par un incroyable flux d'émotions diverses concernant ce qui s'est passé sur l'île où je travaille et où je vis : New York City.
Ma femme et moi avons passé les premières heures du jour,après avoir été réveillés par des appels téléphoniques de nos familles à 6h40 (heure locale), à essayer de contacter notre fille à son école de New York et notre ami JoAnn qui travaille près du World Trade Center.
J'ai appelé JoAnn à son bureau. Quelqu'un a décroché, la première tour a explosé et la personne qui a répondu a hurlé et s'est enfuie, me laissant dans l'ignorance de savoir si elle ou JoAnn allait survivre.
Ce fut une atroce, une abominable et terrifiante journée.
Le 27 décembre 1985, je me suis trouvé pris au milieu d'un attentat terroriste à l'aéroport de Viennes, qui fit 30 victimes à Viennes et à l'aéroport de Rome. (Le mitraillage des passagers dans les deux villes était prévu pour avoir lieu simultanément). Je n'ai pas envie de parler de cet événement ce soir car il ravive encore tant de désespoir et de confusion lorsque je me demande pourquoi j'ai survécu, un coup de chance, une erreur, quelques mètres sur le tarmac et je suis toujours ici, j'aurais tout aussi bien pu mourir.
Sain. En sécurité. Je suis américain et je vis aux États-Unis. Je tiens à mes illusions. Je passe à travers le détecteur de métaux, je fais passer mes bagages à main dans la machine à rayons X et je sais que tout ira bien.
Voici une brève liste de mes expériences récentes avec la sécurité des aéroports :
- A l'aéroport de Newark, l'avion est en retard pour l'enregistrement des passagers. La personne au guichet ne trouve pas mon siège. Alors elle me dit tout simplement
allez-y, montez dedans, sans billet !- A l'aéroport Metro de Detroit, je ne veux pas faire passer le déjeuner que je viens d'acheter à travers le détecteur de rayons X, donc au moment où je passe par le détecteur de métaux, je tends mon sac au garde par l'espace entre le détecteur et la machine à rayons X, en lui disant
c'est juste un sandwich. Il me croit et ne vérifie pas. Le sac n'est passé par aucun dispositif de sécurité.- A l'aéroport de LaGuardia à New York, j'enregistre un bagage, mais je décide de prendre l'avion suivant. Le premier avion décolle sans moi, mais avec ma valise.
Personne ne sait ce qu'elle contient.- Retour à Detroit, je prends mon temps pour sortir de l'avion qui assure la navette régulière. Au moment où j'arrive en bas des escaliers, le bus qui conduit les passagers jusqu'au terminal est parti, sans moi. Je suis seul sur le tarmac, libre d'aller où je veux. Et c'est ce que je fais. Finalement, je fais signe à une camionnette et un mécanicien d'avion me conduit sur le reste du trajet jusqu'au terminal.
- J'ai emporté des couteaux, des rasoirs et une fois, l'homme qui voyageait avec moi transportait un marteau et un burin. Personne ne nous en a empêché.
Bien évidemment, tout ceci a pu se passer parce que les compagnies aériennes considèrent que ma sécurité est si importante qu'elles payent un vigile 5 euros par heure pour garantir que les méchants ne monteront pas dans mon avion. C'est ainsi que ma vie vaut moins qu'une vidange.
Vous me trouvez un peu sévère ? Alors, réfléchissez à cela : un pilote sur American Eagle (la branche de American Airlines chargée des vols intérieurs réguliers) touche au cours de sa première année de carrière environ 15 000 euros pour son salaire annuel.
C'est la stricte vérité ! 15 000 euros pour la personne qui a votre vie entre les mains. Jusqu'à récemment, le salaire d'un pilote de Continental Express était à peine plus de 13000 euros par an. Un homme, un pilote de American Eagle, qui avait quatre enfants s'est rendu au bureau des services sociaux pour faire une demande d'aide alimentaire et il y avait droit !
Un homme qui a droit à l'aide alimentaire pilote mon avion ? C'est la réalité ? Tout à fait.
Alors épargnez-moi le couplet sur les mesures de sécurité prises par les compagnies aériennes et la FAA. Comme toutes les entreprises, elles ne se préoccupent que d'une chose, la rentabilité et la marge de profit.
Quatre équipes de 3 à 5 personnes ont pu déjouer la sécurité aérienne le même matin dans trois aéroports différents et commettre cet acte haineux ? J'ai envie de répondre :
c'est tout ?.Alors aujourd'hui les experts font dans leur froc et vitupèrent sur
la menace terroristeet sur le type le plus effrayant de la planète - Ossama Ben Laden. Qui sait, c'est peut-être bien lui qui a fait ça. Mais il y a quelque chose qui cloche.On voudrait vraiment que je crois que ce type qui dort dans une tente en plein désert a formé des hommes capables de piloter nos avions de ligne les plus sophistiqués et avec une précision telle qu'ils ont été capables de toucher les trois cibles sans que personne ne se demande ce que faisaient ces avions si loin de leur couloir aérien ?
Ou veut-on seulement que je crois qu'il s'agit de quatre fanatiques religieux/politiques qui par hasard se trouvaient être des pilotes qualifiés qui par hasard voulaient se suicider ce jour-là ?
C'est peut-être possible de trouver un pilote de ligne prêt à mourir pour la cause mais quatre ? Bon, d'accord, peut-être que oui, je ne sais pas.
Tout ce que je sais c'est qu'aujourd'hui j'ai tout entendu sur ce Ben Laden à part un fait : Ce sont nous qui avons créé le monstre connu sous le nom d'Ossama ben Laden !
Où est-il allé à l'école du terrorisme ? A la CIA !
Cette information ne vient pas de moi, j'ai vu un reportage sur MSNBC l'année dernière qui expliquait tout. Lorsque l'Union Soviétique occupait l'Afghanistan, la CIA l'a formé, lui et ses hommes, à commettre des actes de terrorisme contre l'armée soviétique. Et ça a marché ! Les soviétiques se sont enfuis. Ben Laden était reconnaissant pour ce que nous lui avions appris et il a pensé que ça pourrait être amusant d'utiliser ces mêmes techniques contre nous.
Nous abhorrons le terrorisme, sauf si c'est nous qui en sommes les auteurs.
Nous avons payé, entraîné et armé un groupe de terroriste au Nicaragua dans les années 1980 qui ont tués 30 000 civils. C'était notre travail. A vous et à moi. Trente mille civils assassinés et qui diable s'en souvient ?
Nous avons financé de nombreux régimes de l'oppression qui ont tué un grand nombre d'innocents et nous n'avons jamais laissé les êtres qui ont souffert de cette cause interrompre notre journée, ne serait-ce que quelques minutes.
Nous sommes la cause de l'orphelinat de tant d'enfants, des dizaines de milliers, dans le monde entier, avec notre terrorisme financé par les contribuables (au Chili, au Viêt-nam, à Gaza, au Salvador) que je suppose que nous ne devrions pas être trop surpris lorsque ces orphelins grandissent et sont un peu dérangés de la tête à cause des horreurs que nous avons aidé à provoquer.
Pourtant, les récents attentats terroristes commis dans notre pays n'ont pas été dirigés par un type vivant dans le désert mais plutôt par nos propres citoyens : quelques anciens militaires qui haïssaient le gouvernement fédéral.
Mais dès les premières minutes qui ont suivi les attentats d'aujourd'hui, je n'ai pas entendu évoquer cette possibilité. Et pourquoi ?
Peut-être parce que les Arabes sont de bien meilleurs repoussoirs ? Un des éléments-clés pour embrigader tous les Américains dans une véritable fureur contre un nouvel ennemi est la carte essentielle de la race. Il est bien plus facile de nous faire haïr lorsque l'objet de notre haine ne nous ressemble pas.
Les parlementaires et les sénateurs passent leurs journées à réclamer plus d'argent pour l'armée, un sénateur a même déclaré sur CNN qu'il ne voulait plus entendre personne lui demander une rallonge de budget pour l'éducation ou la santé, nous ne devrions n'avoir qu'une priorité : notre défense.
Ne parviendrons-nous donc jamais à réaliser que nous serions bien plus en sécurité si le reste du monde ne vivait pas dans la pauvreté pour que nous puissions porter de belles chaussures de sport ?
En seulement 8 mois, Bush est parvenu à nous faire à nouveau haïr de tout le monde. Il s'est retiré des Accords de Kyoto, a quitté la conférence de Durban sur le racisme, a insisté sur la reprise de la course aux armements, il suffit de demander, Bush Junior se charge de tout gâcher.
Ce soir, les sénateurs et les parlementaires ont spontanément entonné un
God Bless America. Ils sont plutôt bons chanteurs !C'est ça, Seigneur, s'il te plaît, bénit-nous. Pleurons, portons le deuil et lorsque ce sera le moment, examinons notre contribution à ce monde d'insécurité dans lequel nous vivons.
Nous pouvons faire autrement.
Bien à vous, Michael Moore.
Le 14 Septembre
Chers amis,
Je suis sur la route ce soir, c'est la seule solution pour sortir de Los Angeles et pour pouvoir revenir à la maison, retrouver notre fille et nos amis à New York. Curieusement je n'avais jamais conduit auparavant à travers ce pays immense. Ma femme et moi nous sommes arrêtés à Flagstaff pour dormir quelques heures avant de repartir.
La tristesse et la colère envahissent l'Amérique. Ce soir à la radio les discours étaient remplis d'appel à l'éradication de tous les pays arabes. Nombreux sont ceux qui recherchent la vengeance et le sang. Mais un nombre surprenant de personnes demandent aussi de ne pas massacrer d'autres êtres humains innocents. Le long de la route, les auberges et les magasins étaient pleins de gens qui, comme nous, n'ont d'autre solution pour rentrer chez eux que ce voyage de quatre jours.
Notre fille va bien, elle était surtout terrifiée par mon désir de prendre l'avion pour la rejoindre plutôt que de conduire. Encore une fois, le vote s'est termine à 2 contre 1 en ma défaveur. Comme d'habitude.
Nous avons appris que d'autres personnes encore de notre connaissance sont mortes. Bill Weems, qui avait travaillé comme producteur pour nous cette année, était dans le vol de Boston qui s'est écrase sur le World Trade Center.
C'était un type très bien et très sympathique. Quelle folie insensée...Et tous ces enfants de New York, des orphelins ce soir... que dire ou que faire ? Je ferai ce que je pourrai – quelque chose, n'importe quoi - dès que je serai revenu. Mais jamais ce ne sera assez.
Les pompiers de New York: ils sont là, à chaque coin de rue, chaque jour ; ce sont nos meilleurs voisins. Ils s'assoient sur le trottoir devant leurs casernes et ils lancent un bon mot et un sourire bienveillant à chaque passant... et aujourd'hui plus de 350 d'entre eux sont morts, après avoir risqué leurs vies pour sauver les victimes d'un carnage dont ils ont vite fait partie.
Une bonne amie de Flint est employée au Pentagone. Je n'ai pas eu de nouvelle d'elle. J'ai essayé sans résultat de contacter sa famille. Son fils Malcom a travaillé avec nous pour l'émission. Je n'arrive pas à le trouver. Sans cesse les larmes me viennent aux yeux. Un jour elle m'avait fait visiter le Pentagone, elle m'avait emmené partout, et s'était fait tellement engueuler pour m'avoir fait entrer dans cet édifice devant lequel je manifestais autrefois. Si vous savez comment elle va, parmi ceux d'entre vous qui connaissaient Barbara, pouvez-vous m'écrire ? Je vous en supplie.
Le type qui occupe la Maison Blanche a pleuré aujourd'hui. Continuez à pleurer, M. Bush. Plus vous pleurerez, plus vous évacuerez ce côté obscur, propre à chaque être humain, où la colère s'accumule jusqu'au point où on veut tuer sans discernement. Les vieux copains de votre père et de Reagan - Eagleberger, Baker, Schultz -- vous demandent tous de bombarder d'abord, et de poser les questions ensuite. Vous ne devez pas faire ça. Ne serait-ce que pour ne pas vous abaisser au niveau de ces bouchers. Oui, trouvez ceux qui ont fait ca. Oui, faites en sorte qu'ils ne puissent jamais recommencer.
Mais prenez les choses en main, mon vieux.
Déclarer la guerre?Et la guerre contre qui ? Contre un mec dans le désert qu'apparemment nous ne pouvons pas trouver ? Nos gouvernants sont-ils en train de nous expliquer que le pays le plus puissant au monde ne peut pas mettre la main sur un seul taré diabolique ? Parce que si c'est ça le message, on est complètement dans la merde. Si ce n'est pas possible de régler son compte à cet espèce de sosie de ZZ Top, que va-t-il bien pouvoir se passer le jour où on sera attaqué par un pays entier ? Pour l'amour de Dieu, passez un coup de fil aux Israéliens et demandez leur de faire ce truc qu'ils font quand ils veulent avoir leur type à eux ! On leur donne suffisamment de milliards tous les ans, je suis sur qu'ils seraient content de vous rendre ce service.Mais je vous en supplie, M. Bush, restez dans la catégorie pleurs. Allez aujourd'hui à New York réconforter ses blessés. Dites au maire, un type que pas mal d'entre nous n'aimaient pas, qu'il fait un travail fantastique en maintenant au niveau le plus haut possible dans un moment pareil le moral des habitants. Alors que lui-même lutte contre un cancer, il est présent pour cette ville que je crois qu'il aime; il a fait bien plus que son devoir.
En mai dernier, vous avez donné aux talibans d'Afghanistan 43 millions de dollars de nos impôts. Aucune nation du monde développé ne leur a donné un seul centime, mais vous, vous leur avez offert un cadeau de 43 millions de dollars parce qu'ils avaient dit avoir
interdit toute drogue.Votre guerre contre la drogue était plus importante que la vraie guerre que menaient les talibans contre leur propre peuple, et pour cette raison vous avez aidé à financer le régime qui donnait refuge à cet homme même dont maintenant vous dites qu'il est responsable de l'assassinat de mon ami dans cet avion, et de l'assassinat des amis de familles de milliers et de milliers de personnes. Comment osez-vous maintenant parler de plus d'assassinats ? Honte, honte et honte à vous ! Expliquez-vous sur votre soutien aux talibans ! Dites-nous pourquoi votre père et son copain Reagan ont formé Ben Laden au terrorisme !
Suis-je fâché ? Ca vous pouvez bien le dire. Je suis un citoyen américain, et mes gouvernants ont utilisé mon argent pour financer un carnage. Et voilà que mes amis en ont payé le prix de leur vie.
Continuez donc à pleurer, M. Bush. Continuez à vous planquer dans l'Omaha ou partout ailleurs où vous vous refugiez quand les autres meurent, comme vous vous êtes enfui pendant la guerre du Vietnam tout en prétendant être en service dans l'Air National Guard. Neuf garçons qui étaient au collège avec moi sont morts pendant cette guerre déplorable. Et maintenant vous demandez
l'unité nationalepour pouvoir en commencer une autre ? Ne m'insultez pas, et n'insultez pas mon pays comme ca !Oui, moi aussi, je serai à l'église à midi aujourd'hui, pour cette journée de deuil national. Je prierai pour vous, pour nous, pour les enfants de New York et pour les enfants de ce monde triste et affreux...
Bien a vous,
Michael Moore
Le 15 septembre
Chers amis,
Deuxième journée sur la route, de retour vers New York City
Je suis réveillé par le son de la Bannière Etoilée (1) qui retentit dans le hall de l'hôtel où nous avons passé la nuit, à Flagstaff. L'office commémoratif a commencé dans la Cathédrale Nationale de Washington DC, et il est diffusé sur la télé du hall. Je descend voir.
Un groupe de Noires âgées le regardent, debout, les larmes aux yeux. Cela me rappelle un panneau que j'ai vu en arrivant en ville sur une boutique d'Indiens Hopi :
Amérique Terre de liberté Pays des braves. Vous ne trouverez certainement pas de groupe qui se soit vu refusé l'accès au Rêve Américain autant que ces deux-là, et pourtant ils sont aussi affligés que les autres des attaques de New York.En traversant les réserves Indiennes de l'Arizona et du Nouveau Mexique, on est frappé par la pauvreté abjecte de ces lieux, et on se rappelle les 500 ans de terrorisme sponsorisé par l'état contre ces gens, un génocide virtuel. Combien de millions ont été tués par les colons et soldats américains ? Je ne m'en souviens plus. Mais les conséquences sont brutalement évidentes dans les cabanes et caravanes le long de la route 66.
Ma femme et moi nous dirigeons vers la ville et trouvons une église catholique, San Francisco de Asis, dans laquelle doit avoir lieu un office pour honorer les morts. L'église elle-même est remarquable avec ses images matriarcales, dont une grande peinture murale au dessus de l'autel représentant Marie et sa mère et sa famille, ainsi qu'une statue d'elle à la place de l'habituel Jésus crucifié.
Nous restons debout, vu qu'il n'y a plus de place assise. Les minutes s'écoulent et l'office ne commence pas. Le prêtre arrive et s'assoit sur le banc du septième rang, comme s'il était venu se recueillir au même titre que les autres.
Après un long moment, une personne se lève de son banc et se met à lire un passage de la bible mais le texte n'est pas celui sur la vengeance et le bain de sang. Ca parle plutôt de refondre nos épées en socs de charrues. Oops, hors sujet !Nous quittons l'église en nous sentant emplis d'un immense désespoir. Nous n'avons toujours pas de nouvelles de nos amis à Manhattan ni de notre amie Barbara au Pentagone.
Nous passons devant une boutique dont le panneau indiqueArmurerie-Epicerie. A la sortie de la ville, notre téléphone portable sonne. C'est Barbara et son mari Sam qui appellent de l'extérieur du Pentagone. Elle me dit qu'elle va bien et qu'il y a une grande roue d'avion qui dépasse du coté du bâtiment où elle travaille comme employée de bureau. Le matin du crash, elle était en retard parce qu'elle avait emmené Sam à l'aéroport. Je commence à pleurer de nouveau. Elle me dit merci etne t'inquiètes pas, je vais bien, et j'entends son mari derrière qui blague :c'est une affirmation discutableet tous deux éclatent de rire.Je quitte la route à Winslow, Arizona, et je dis à Kathleen que je veux la photographier à un virage. Elle ne comprend pas pourquoi, et comme je sais à quel point elle déteste les Eagles, je lui dis que c'est une chanson de Jackson Browne (ce qui est techniquement vrai ; il l'a co-écrite). Elle se prête au jeu, mais quand elle lira ceci, j'aurais de gros ennuis.
Je suis toujours aussi étonné par le nombre de gens à la radio et ceux que nous croisons qui sont totalement opposés à une réponse militaire bâclée à ce qui s'est passé. Quoi que puissent dire et montrer les médias, je suis convaincu qu'il y a une majorité d'Américains qui, bien qu'ils veulent que justice soit faite et être protégés d'autres attaques, ne veulent pas que George W. Bush se mette à jouer les Docteur Folamour.
A propos de Folamour, la semaine dernière a commencé avec l'un des meilleurs programmes de 60 Minutes depuis longtemps. Ils ont tout révélé : comment les Etats-Unis et plus particulièrement Henry Kissinger ont comploté au début des années 70 pour renverser le président du Chili démocratiquement élu. Le complot a réussi, le président Allende a été tué, et des milliers de Chiliens ont été brutalement torturés et assassinés. Aujourd'hui, de nombreux membres du nouveau gouvernement chilien voudraient faire comparaître Kissinger en justice pour ces actes de terrorisme. Pensez-vous que les Etats-Unis l'extraderaient ?
Eh bien, cette histoire était complètement oubliée 48 heures après, aussi vite qu'elle avait été oubliée 30 ans plus tôt.
Certains d'entre vous m'ont écrit pour me dire,
s'il te plaît, Mike, ne parle pas de ces histoires, du moins pas tout de suite. Laisse-nous faire le deuil de nos morts.Je suis d'accord. Et je m'excuse auprès de tous ceux que j'ai pu blesser. Personne ne veut entendre parler de politique pour le moment sauf nos leaders installés à Washington. Faites-moi confiance, eux parlent de politique nuit et jour, et ils discutent entre autres d'envoyer nos gosses se battre contre quelque invisible ennemi et bombarder sans discernement les Afghans ou quiconque pourra, selon eux, faire que nous Américains nous sentions mieux.
Etant un de ces Américains qui se sentent mal, j'estime avoir la responsabilité de parler et dire ce qui doit être dit : que nous, les Etats-Unis d'Amérique, sommes coupables d'avoir commis tant d'actes de terreur et de bains de sang, que nous ferions mieux de nous renseigner sur la culture de violence dont nous sommes des participants actifs. Je sais que c'est dur d'entendre cela en ce moment, mais si moi et d'autres ne le disons pas, j'ai peur que nous nous retrouvions bientôt dans une guerre qui ne fera rien pour nous protéger de la prochaine attaque terroriste.
J'ai reçu plus de courriels cette semaine que jamais auparavant environ un millier toutes les quatre heures. Quatre-vingt-dix pour cent d'entre eux viennent de gens qui refusent aussi de se laisser entraîner dans une quelconque forme d'absurdité sanglante, et qui sont d'accord avec l'idée que nous devons trouver un moyen approprié de livrer à la justice ceux qui ont commis ces actes.
J'ai été touché par beaucoup de vos commentaires et je suis désolé de ne pouvoir y répondre tant que je suis sur la route. Mais je fais part de vos sentiments avec ceux que je rencontre (et, je dois le dire une fois de plus, c'est un don des dieux que d'avoir une invention comme Internet, qui me permet de voyager ainsi à travers le pays et d'être connecté avec tant de milliers d'autres Américains et avec tant d'étrangers qui partagent notre peine et s'inquiètent de ce que nos leaders vont faire).
Nous franchissons la Continental Divide et Rush Limbaugh ne cesse de bavarder au sujet de qui nous devrions bombarder. Il quitte l'antenne, et je suis sûr qu'il est en route pour le plus proche centre de recrutement pour s'engager car soyons certains qu'il n'attend pas que votre fils ou votre fille aille risquer sa vie pour la liberté pendant qu'il reste simplement assis à savourer son nouveau contrat à un demi-million de dollars.
En arrivant à Albuquerque, Kathleen feuillette le guide touristique Frommer's à la recherche d'un endroit où passer la nuit. Elle trouve un endroit qui a l'air bien, près du parc national de White Sands, mais elle tombe sur ce passage :
la route qui mène à l'hôtel est parfois fermée à cause de tests de missiles dans les environs.Oui,bienvenue au Nouveau Mexique,Terre d'Enchantement, juste un grand terrain d'essais qui vous est présenté par les créateurs de l'intégralité des armes de destruction de masse connues de l'homme. Nous optons pour le Hyatt en centre-ville.L'hôtel est comme une ville fantôme.
Toutes les conventions sont annulées, nous informe la dame à l'accueil. Je demande au groom combien il y a de clients ce soir.9,9 pour cent d'occupation, me dit-il. Hmmm.
Pourquoi ne pas dire 10?J'imagine que ce serait demander trop d'optimisme par une nuit comme celle-ci
J'écrirai de nouveau quand nous aurons atteint notre prochaine étape, Oklahoma City.
Bien à vous,
Michael Moore
PS : Il y a trois jours, j'ai appris de quelqu'un à ABC News qu'ABC possède une cassette vidéo. Une vue du deuxième avion s'écrasant sur la tour qui montre un chasseur F-16 suivant l'avion à distance. Je ne vous en ai pas parlé, parce que je n'ai pas vu cette cassette moi-même et que je ne voulais pas en rajouter aux rumeurs non-fondées. La télévision vient de faire savoir que le gouvernement a admis avoir fait décoller des avions de combats quand ils ont su que des avions s'étaient écartés de leur itinéraire
A partir de maintenant, je transmettrai les informations censurées que je reçois à tous ceux d'entre vous dans les grands médias qu'on empêche de faire leur travail.
Cela devient-il plus clair à présent qui l'avion qui est tombé en Pennsylvanie a été abattu pour l'empêcher de frapper sa cible ?
La vérité est navrante, insupportable mais elle doit nous être dite. Un peuple libre ne peut prendre une décision éclairée s'il on le laisse dans le noir. Ecoutons toute la vérité maintenant.
Bien à vous,
Michael Moore
Auteur :
Michael Moore
L'Irak, c'est juste un tour de chauffe. par V. K. Ramachandran